Industries et vieux papiers

INDUSTRIES DE LA MONTAGNE

Les industries jurassiennes sont très originales, car leur développement a été le plus souvent la conséquence d’ initiatives individuelles. Cette originalité se retrouve au delà des frontières, car il y a en Allemagne, en Suisse, en Autriche et en Tchécoslovaquie des industries qui ressemblent comme des sœurs aux industries du Jura Français et qui, en fait, sont des rivales.

CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE CES INDUSTRIES

Ces industries sont : 1° l’ horlogerie ; 2° la tournerie ; 3° le travail des pierres précieuses (industries lapidaire et diamantaire); 4° toute une série d’ industries très localisées, telles que la lunetterie, le travail du peigne et des matières plastiques, la boissellerie, la tabletterie, etc …

Certaine de ces industries possèdent parfois des branches spécialisées qui méritent d’ être étudiées à part:  L’ horlogerie comprend l’ industrie de la montre à Besançon et le long de la frontière franco-suisse, l’ industrie de l’ horloge dite comtoise et de la pendule à Morez et à Morbier, l’ industrie de la grosse et de la moyenne horlogerie dans le pays de Montbéliard. Ces trois variétés sont réunies actuellement en un même syndicat, mais elles sont historiquement indépendantes. D’ autres part, sous un même mot se trouvent parfois désignées plusieurs industries dont la parenté est plus illusoire que réelle. La tournerie, qui occupe quelque 9000 ouvriers, avec Saint-Claude comme centre commercial, comprend: l’ industrie de la pipe, à Saint-Claude la tournerie des bois indigènes, dont le centre est Moirans-du-Jura; la tournerie des matières plastiques.

Ces trois variétés d’ industrie ont un instrument commun: le tour ,mais n’ emploient pas les mêmes matières premières, et chacune d’ elles a son commerce spécialisée.

Nous n’ étudions pas toutes les industries jurassiennes. Excluant certaines industries comme la fromagerie, la papeterie et la tannerie, nous nous en sommes tenu aux petites industries de manufacture, typiques du Jura, comme on l’ a dit, et nées du besoin d’ activité de la population jurassienne, immobilisée pendant l’ hiver.

La plupart de ces formes d’ activité ont pris naissance dans la haute montagne. Les maigres ressources que le sol du jura offrait aux colons et aux immigrants devaient leur suggérer d’ accroitre leur bien-être par l’ appoint d’une industrie.

Il est curieux de constater que l’ industrie de la lunetterie se place aux altitudes suivantes: Morez 700 m; Morbier 822 m ; La Mouille 900 m ; Longchaumois 897 m ; Bellefontaine 1028 m ; Prémanon 1132 m ; Les Rousses 1135 m.

L’ industrie lapidaire est très répandue aussi dans la haute montagne. Les lieux d’ industrie les plus importants sont à une altitude d’ environ 1000 m : Sepmoncel 1000 m ; Lamoura 1156 m ; Les Molunes 1274 m ; Lajoux 1182 m ; Les Bouchoux 980 m ; Les Moussières 1080 m.

Certaines industries, comme la tournerie, se sont établis dans des vallées, ou sur des plateaux moins élevés. Mais en règles générale, l’ altitude du lieu ou la pauvreté du sol ont été les deux facteurs importants qui ont déterminé l’ établissement des industries.

Celles-ci sont pratiquées par un très grand nombre de cultivateurs. La tournerie des bois indigènes n’ a pas un seul ouvrier établi à la ville, et le centre de cette industrie a moins de 2000 hab. L’ industrie lapidaire, la boissellerie, la petite horlogerie sont aussi des industries campagnardes. Il s’ ensuit que l’ ont rencontre dans les bourgs ou villages jurassiens beaucoup d’ ateliers familiaux et que, pour les industries qui nous intéressent la grosse usine est l’ exception. Cette manière d ‘ être a fini par prévaloir même à la ville.

Oyonnax possède 400 ateliers familiaux ou corporatifs. L ‘industrie lapidaire ne compte que deux ou trois usines importantes. La tournerie, une seule peut-être.

Morez possède 114 ateliers de lunetterie.La tendance actuelle des industries à se concentrer modifie peu à peu la répartition géographique du personnel, mais le fait néanmoins demeure.

Les industries jurassiennes enfin supposent toutes une très grande habileté manuelle de l ‘ouvrier et ne nécessitent pas des transports considérables de matières premières. Lorsqu’ elles s’ établirent, il fallait, étant donné la difficulté des communications, que la matière première fut sur place (horlogerie , lunetterie, tabletterie ,tournerie , industrie du peigne : fer , corne , bois), ou qu ‘elle fut aisément transportable (industrie lapidaire et diamantaire : pierres précieuses , verre ou diamant). La pipe, qui exige la matière première la plus considérable, fut fabriquée tout d’ abord en racine de buis, et le Jura possède, ou possédait, des forets de buis.

Les centres des industries que nous étudierons sont: 1° pour l’ horlogerie: Besançon, Montbéliard, Morez. 2° pour la tournerie: Moirans, Saint-Claude, Saint-Lupicin. 3° pour le travail des pierres: Saint-Claude, Septmoncel. 4° pour les autres industries: Morez (lunetterie); Oyonnax (travail du peigne , etc….), Bois d’ Amont (boissellerie); Saint-Claude (tabletterie, ébonite).

La frontière franco-suisse coupe en deux la région horlogère. Au Nord, la zone de l’ horlogerie et celle des métallurgies diverses se superposent. A l’ Ouest, Besançon parait être une capitale isolée. Au Sud, les industries jurassiennes ne dépassent guère la cluse de Nantua à Bellegarde. Au Sud et à l’ Ouest, Lyon commence à faire sentir son influence.

 

L’ INDUSTRIE DE L’ HORLOGERIE

Historique de l’ industrie.- L’ industrie de l ‘horlogerie avait eu en France de nombreux artisans, avant les guerres de religion, mais, vers le milieu du XVIe siècle, les persécutions religieuses déterminèrent certains d’ entre eux à s ‘expatrier. Ce fut Genève qui les reçut, et l’ industrie y prospéra. Mais les règlements corporatif, devenant bientôt très sévères quant à l’ admission de nouveaux maitres-ouvriers, provoquèrent au cours du XVIIIe siècle, un mouvement d’ émigration très marqué vers le Jura neuchâtelois (Neuchâtel, Le Locle, La Chaux-de-Fonds), et, en 1789, certains habitants de ce pays, ayant manifesté trop bruyamment leur adhésion aux principes révolutionnaires, durent prendre le chemin de la France.

A deux cents ans d’ intervalle, l’ intolérance produisit le même effet, mais cette fois-ci à notre bénéfice. L’ un des émigrés genevois, Laurent Mégevand, qui avait des relations d’ affaires à Paris, eut l’ initiative de soumettre au Ministre Français de l’ intérieur, le 31 mai 1793, un long mémoire sur l’ opportunité de créer une manufacture d’ horlogerie dans le Jura. La proposition soumise au Département du Doubs, fut, agréée, et, le 12 septembre 1793, vingt et une familles suisses s’ établissaient à Besançon. Le nombre des immigrants atteignait 400 à la fin de la même année. L’ industrie prospéra rapidement; outre la manufacture de l’ État, de nombreux ateliers indépendants s’ étaient créés à Besançon: ce fut grâce à eux que la nouvelle industrie réussit à se maintenir, car la manufacture de l’ État, mal administrée, fut supprimée par un arrêté de Bonaparte, et les biens des directeurs furent vendus (22 frimaire an XI).

Au cours du XIXe siècle, malgré des difficultés assez sérieuses, l’ horlogerie fut en progression constante. La production annuelle était de 59000 montres en 1850 ; 211000 en 1860 ; 300000 en 1866 ; 419000 en 1875 ; 45400 en 1878 ; 635000 en 1900 .Les chiffres ci-dessus se rapportent à la production des montres en métal précieux .Il serait très difficile d’ évaluer l’ importance, à chaque époque, de la fabrication des montres en métal ordinaire et de faire l’ historique de cette fabrication, sans doute tard venue, étant donné le prix relativement peu élevé de l’ argent. Les chiffres donnés plus loin indiquent l’ importance actuelle de diverses catégorie.

L’ étude de l’ horlogerie de Besançon ne doit point nous faire perdre de vues les autres régions jurassiennes ou cette industrie engendra la prospérité. Le plateau de Maiche (entre Doubs et Dessoubre) est une région horlogère fort importante, aussi bien que la vallée de Morteau. L ‘industrie ne s’ y implanta qu’ assez tard, vers 1853. Il n’ y eut tout d’ abord que quelques ateliers. Vers 1888, l’ industrie prit un essor rapide dans la haute montagne, sous l’ influence de la Suisse.

Dans le pays de Montbéliard, Beaucourt posséda une fabrique d’ ébauche de montre vingt ans avant Besançon, en 1767. Elle est du à l’ initiative d’ un artisan, Jacques Japy, dont le nom est a l’ origine de toute la prospérité industrielle du pays de Montbéliard. Jacques Japy avait fait son apprentissage au Locle, en Suisse. L industrie horlogère du Haut-Jura est spécialisée dans la fabrication des pendules et surtout de l’ horloge à poids et à ressort, dite horloge comtoise. Elle naquit vers 1660. Un forgeron de Morbier, ayant eu à réparer l’ horloge du couvent des Capucins (de Saint-Claude), eut l’ idée de construire des horloges semblables. Ce fut là l’ origine de cette branche industrielle  qui compte aujourd’hui encore prés d’ un millier  d’ ouvriers.

La petite horlogerie.- Dans le Jura , pour la montre complète , il existe environ 150 fabricants établis dans les localités suivantes : Besançon , Beaucourt ,Charquemont ,Damprichard , Lac-ou-Villers , Montbéliard , Morteau et sa région . La production comprend des chronographes de poche , compteurs de sport ,montres , bijoux de luxe , montres extra-plates , chronomètres , montres pour automobiles , pour chemin de fer , montres pour aveugles , etc Pour les branche connexes à la petite horlogerie et pour les pièces détachées ,les fabricants sont répartis dans les localités suivantes : Bonnétage , Charmauviller , Chaillexon ,Hérimoncourt , Les Fontenelles , les Gras , Le Russey , Maiche , Les Ecorces , Meslières ,Montécheroux ,Vérières-de-Joux ,Cour-Saint-Maurice.

Les villages de Sancey , Liebvillers , Chamesol , Rougemont , Etupes ,Trévillers , Glére , Vermondans , Pierrefontaine et Villarsd-les-Blamont possèdent également une population horlogère (la Savoie possède environ 2000 ouvriers en petite horlogerie qui travail pour Besançon). Le nombre des fabricants de pièces détachées dans la région du Doubs est de 100. Ces industriels sont tous spécialisés dans une des fabrications suivantes: ébauches de montres et boites de toutes formes et de tous métaux, cadrans, aiguilles, spiraux, pignons, balanciers, etc… la décoration  (ciselure, joaillerie, incrustation, gravure,placage, patine, etc….) se fait à Besançon et à Paris. Le nombre total des montres fabriquées s’ élevait en 1926 à 2 500 000, dont 625 000 en métaux précieux. On évalue à 6000, le nombre des ouvriers et ouvrières.

La grosse horlogerie .- On comprend sous le nom de grosse horlogerie une très grande variété d’ appareils et d’ instruments de toute dimensions. la grosse horlogerie proprement dite est spécialisée dans la fabrication des horloges monumentales; l’ horlogerie moyenne, dans celle des horloges comtoises, des régulateurs, des pendules de toutes sortes, cartels, carillons Westminster, pendulettes de voyage, etc… Le développement des industries de l’ automobile et de l’ aviation, la pratique des sports ont orienté la grosse horlogerie vers la fabrication des compteurs de tours, des compteurs d ‘ électricité, d’ eau, de gaz, des indicateurs de vitesse, etc… Enfin l’ électricité s’ adaptant à l’ horlogerie a donné lieu à des fabrications nouvelles.

Les centres de grosse horlogerie se répartissent ainsi : 1° Morbier , Morez , Perrigny (fabrication de l’ horloge comtoise, de régulateurs et de carillons de cloches); Besançon , Beaucourt , montbéliard , Saint-Maurice , Seloncourt , Vieux-Charmont , Rosereux , Badevel .

Les centres les plus importants sont : Morez , Morbier , Besançon , Beaucourt , montbéliard , Badevel.

Le total des ouvriers employés dans la région jurassienne est de 6000 à 8000, et la production annuelle représente environ les deux tiers de la production française, évaluée, en 1926, à 560 000 000 de francs.

Situation présente de l’ horlogerie jurassienne.- Cette industrie a été jusqu’ ici fort prospère, et la production a suivi jusqu’ en 1926 une ascension fort régulière. L’ horlogerie jurassienne, très touchée par la guerre, s était vigoureusement rétablie, et la production était revenue aux chiffres d’ avant-guerre; mais il semble que l’ industrie a du être très favorisée par la chute du franc. En 1927, la petite horlogerie a subi une crise très grave, dont les effets se poursuivent. Le déficit de la fabrication pour l’ année 1927 a été en effet estimé à 61% de la production moyenne, et le chômage est considérable. Il est probable que beaucoup de petits artisans abandonneront leur métier et que l’ industrie se concentrera de plus en plus à la ville. Des efforts vigoureux sont faits actuellement, afin d’ orienter l’ horlogerie dans la voie des progrès récents. L’école nationale d’ horlogerie et d’ Institut de Chronométrie sont en cours de réorganisation et seront en mesure de former des ingénieurs très spécialisés. D ‘ autre part, de grandes usines fabriquent maintenant la montre en série, en très belle qualité et à bon marché. La crise actuelle doit donc être conjurée rapidement, d’ autant plus que cette industrie travaille presque exclusivement pour la France.

LES INDUSTRIES DE LA TOURNERIE

La tournerie jurassienne est bien originale: elle n’a pas été importée. Avec le temps, elle s’ est appliquée à des fabrications diverses, et nous aurons à étudier successivement: l’ industrie de la tournerie des bois indigènes; l’ industrie de la pipe; la tournerie des matières plastiques.

La première est la plus ancienne. La légende lui donne plus de dix siècles d’ existence: l’ histoire lui en accorde cinq. La seconde, qui dérive de la première, s’ est développée surtout vers le milieu du XIXe siècle. La pipe, en effet, n’ est qu’ un objet de tournerie, dont l’ importance commerciale est devenue, pour Saint-Claude, de premier ordre. Enfin la tournerie des matières plastiques  (os, corne, corrozo) n’ était, jusque vers 1900, qu’une branche spécialisée de la précédente (fabrication du tuyau de pipe et des fume-cigarettes) ,lorsque la découverte d’ un nouveau produit à base de caséine, la galalithe , propre à la fabrication d ‘une quantité de menus objets d ‘usage courant, réussit à lui donner une forte impulsion et l ‘individualisa. La tournerie jurassienne comprend donc actuellement trois variétés industrielles qui ont chacune leur organisation spéciale, leurs commerçants, leurs ouvriers.

La tournerie des bois indigènes.- Saint-claude était déjà célèbre au XVe siècle pour ses images de saints et ses chapelets. Mais peu à peu la tournerie se laïcisa :au XVIIe siècle ,on fabriquait ,outre les chapelets ,des cuillers, des flutes, des trompettes; puis , après l’ apparition du tabac en France , vers 1660 , des tabatières ( qui furent l ‘objet plus tard d ‘une industrie spéciale) ; au XVIIIe siècle ,des bonbonnières ,des corbeilles ,des nécessaires de toilette, des ustensiles de cuisine, des rouets , etc…; à l’ époque de la Révolution , des encriers, des jeux de quilles, des portes-bouteilles, tous étant fabriqués en buis.

La foret de buis de Saint-claude fut bientôt épuisée, et l ‘industrie se retira vers Moirans; la région, en effet, était riche en bois d’ œuvre susceptibles de remplacer éventuellement la racine de buis. C’ est là que le travail se maintint. Cette industrie occupe la région moyenne du jura, dont l’ altitude varie entre 400 et 700m. Le sapin n’ est plus, comme aux altitudes supérieures, l’ essence dominante. Le hêtre, le frêne, l’ érable et le tilleul fournissent de grandes quantités de bois d’ œuvre. On compte environ une centaine de villages qui pratiquent la tournerie, et la localité la plus importante qu’ on y rencontre ( Moirans) n’a pas 2000 habitant.

Les bourgs et villages sont:

Moirans (350 ouvriers), Légna (200), Villard-d’Heria (168) ,Lect (135) , Etival (134) , Arinthod (130), Arbent (125) , Martigna (117) , Montcusel (100) , Dortant (100) , Vaux-les-Saint-Claude (91) , Orgelet (75) ,Charchilla (75) ,Lavans (70) , Molinges (70) , Les Crozets (65) ,Jeurre (65) , Maisod (60) ,Chancia (60) , Saint-germain-de-Joux (50) , Poizat (50) , Neyrolles (50) , Fétigny (35) , Lavans-sur-Valouse (11) , Thoirette (25) , Cernon (35) , Valfin-sur-Valouse (24) , Vescles (18) , Clairvaux (29) ,Vertamboz (10), Soucia (13), Pont-de-Poitte (18), Chaux-des-prés (40), Chateau-des-Prés (20), les Piards (10), Prénovel (12), Grande-Rivière (10), Cousance (14), Siéges (14), Rogna (30), Montaigu (20), Ecrilles (16), Nancuise (20), Sarrogna (30), La Tour-du-Meix (24), Le Bourget (25), Marangea et Nermier (10), Lavancia (19), Ponthoux (12), Grand-Chatel (10), Chatel-de-Joux (11), Coyron (11), Meussia (49), Crénant (30), Chisseria (10), Cesia (10), Menouille (30), Viremont (10), Vogna et Néglia (20), Condes (20), Agea (10), Corveissiat (30), Port (10), Poncin (15), Cerdon (25), Forens (20), Chevillard (12), Granges-sur-Ain (15), Veyziat (20).

Unes trentaines de localités ont moins de 10 ouvriers.Ce sont:

Aromas, Largillay-Marsonnay, Mesnois, Doucier, Charency, Poligny, La Chapelle, Saint-Julien-sur-Suran, Gigny, Monnetay, Louvenne, Choux, Conliège, Nogna, Revigny, Mirebel, Beffia, Montanges, Grand-Corent, Chavannes, Chanay, Saint-Martin-du-Fresne, charix, Montréal, Bayeux-Saint-Jérome, Confort, Chaley, Brénod, Hotonnes, Condamine, Bolozon, Samognat.

Le total donne 3570 ouvriers.

Les objets fabriqués sont des articles de cave, des articles de ménage, de bureau, de fumeur, des manches d’ outils, d’ ustensiles de cuisine, des pliants de jardin , des toupies, des jeux de quilles et, en règle générale, tous les objets en bois tourné.La plupart des villages sont spécialisés dans une ou deux fabrications. La production annuelle est évaluée à 30 000 000 de francs. L’ industrie a joui jusqu’ à présent d’ une calme prospérité. Elle ne craint guère la concurrence de l’ étranger. Les ouvriers sont habiles, et les salaires, quoique fort rémunérateurs, permettent une vente facile des produits.

 

L’ industrie de la pipe

L’ industrie de la pipe prit naissance dans le Jura au XIXe siècle ; elle fut stimulée par la vogue que les armées impériales avaient donnée à cet article de fumeur. A cette époque , les ouvriers de la région de Saint-Claude ne s’ employaient qu’ au tuyau, fait de buis ou de corne, que l’ on adaptait au foyer de porcelaine venu d’ Allemagne.Les tourneurs s’ essayèrent bientôt à la fabrication de la pipe en bois du pays. Le travail était alors absolument familial. Toutefois les articles fabriqués ne valais pas grand chose : les bois d’ ébénisterie employés (noyer, cerisier, poirier, et même le buis) ne résistaient pas à la combustion, et la saveur des pipes était fort désagréable. Un tourneur, revenu de la foire de Beaucaire en 1854, eut l’ idée d’ employer la racine de bruyère pour la fabrication de la pipe. La nouvelle matière, très dure , donna toute satisfaction, et l ‘industrie prit un essor remarquable. Les modifications qui sont intervenues depuis lors dans cette industrie sont toutes du domaine de la mode.
La racine de bruyère, exclusivement employée, vient des pays méditerranéens ( Var,Pyrénées, Algerie, Tunisie, Corse, Sardaigne, Toscane). Elle doit subir une préparation préalable par cuisson, avant d ‘être expédiée à Saint-Claude.La consommation annuelle de l ‘industrie sanclaudienne était, avant-guerre , de 4000 t. et, en 1926, de 6000 t. Comme les racines de bruyère mettent plus d ‘un demi-siècle à se former , la question de la matière première ne manquera pas de se poser à bref délai.
Le grand centre esy Saint-Claude, où l’ on compte environ 150 fabricants et 3000 ouvriers. Une vingtaine de villages du canton de Saint-Claude (qui réunit 26 communes) prennent du travail à domicile et ont aussi quelques ateliers. Ce sont:
Valfin (250 ouvriers), Chevry (30), Saint-Lupicin (50), Leschères (90), Ravilloles (50), Ponthoux (12), Pratz (50), La Rixouse (25), Villard-Saint-Sauveur (41), Vaux (33), Ranchette (10), Molinges (61), Lavans (20), cuttura (27),  Chassal (30), Avignon (15), Villard-sur-Bienne (22), Coiserette (15), Coyrière (20).
 
En dehors de la proximité de Saint-Claude, il faut noter Cousance, Saint-Laurent et Clairvaux qui possèdent quelques ouvriers. En tout, 3670 ouvriers et ouvrières, en nombre a peu près égal. L’ industrie de la pipe subit depuis novembre 1926 une crise très grave. Les Anglais ont fait, au moment de la chute du franc ,des achats considérables, de stocks.
Cette industrie offre ceci de caractéristique que, la vente ayant toujours été très facile, les fabricants se sont à peu près désintéressés du commerce et que les Anglais en ont pris le monopole.
L’Angleterre ne fabrique pas les pipes qu’ elle vend : elle achète les neuf dixièmes de la production de Saint-Claude. Sa marque pourtant fait prime sur le marché. une pipe de premier choix fabriquée à Saint-Claude et valant 25 francs atteint le prix d’ une livre sterling lorsqu’ elle est munie de la marque de Londres.
On a su la présenter avec luxe, flatter le snobisme du client et lui faire admettre que seule la pipe anglaise, c’ est-à-dire portant la marque de Londres, est de première qualité. Par ailleurs,les trusts anglais se chargent eux-mêmes de la vente. Ils savent créer la mode et imposer des modèles L’ industrie sanclaudienne de la pipe se trouve donc gouvernée par le commerce anglo-saxon. les négociants jurassiens ont commis la très grande faute d’ angliciser leur commerce et d’ établir à Londres des ateliers qui leur ont permis de donner la marque anglaise à des pipes fabriquées à Saint-Claude. Ils ont ainsi réalisé de gros bénéfices, mais ils ont discrédité la fabrication française qu ‘il leur appartenait de faire valoir et de représenter.
La fabrication était, jusqu’ en 1926, de 300 000 grosses par an, qui représentaient une valeur de 80 millions de francs; mais les affaires sont difficiles, et l’ on pense que le chiffre de la production annuelle se stabilisera à 200 000 grosses.
L’ industrie de l’ ébonite, qui occupe à Saint-Claude 450 ouvriers, doit être mentionnée au titre d’ une industrie dérivée de l’ industrie de la pipe. Elle est en effet spécialisée dans la fabrication des tuyaux.
Pendant la guerre, elle a assumé la fabrication des fournitures pour l’ aviation et de quelques spécialités pour la pharmacie, mais elle est redevenue, depuis 1919 , une industrie d’ intérêt local.
 
La tournerie des matières plastiques.- Les matières premières employées dans cette spécialité de tournerie sont surtout : l’ os, la corne, le corrozo, la galalithe. Les trois premières étaient à peu près les seules travailllées au tour avant-guerre, et cette industrie était pour une part dépendante de l’ industrie de la pipe (fabrication des tuyaux en corne et des vis en os) et pour une part indépendante  (fabrication  de hochets, d’ anneaux, de bouts de parapluie, d’ isolateurs d’ électricité, etc…..).
 
                                                                      

 

 

Cloches Sonnailles & Haut-Jura
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